mardi 11 novembre 2008

Comment accompagner "le passage au système Lmd" en vigueur dans quelques universités camerounaises ?

Le professeur Paul Gérard Pougoue dans une réflexion pertinente, a posé le problème du "passage au système Lmd" des universités camerounaises et de celles de l'espace Cemac. Ce passage, soutient-il, "contribuera à valoriser la professionnalisation" de l'enseignement supérieur au Cameroun et éventuellement dans l'espace Cemac. Dans la même contribution, le Pr. va plus loin en affirmant que "la professionnalisation est une exigence forte" ; autrement dit, celle-ci vise surtout à arrimer l'enseignement supérieur camerounais aux standards internationaux. Cela suppose outre des contenus didactiques universellement crédibles et compétitifs sur le marché de l'emploi, mais aussi la maîtrise par les apprenants d'au moins deux langues (anglais et français pour le cas d'espèce du Cameroun).
Seulement, la politique pédagogique actuelle du système Lmd ne prend en compte que la professionnalisation des postulants alors même que ces derniers sont appelés à évoluer dans un univers de globalisation où la maîtrise de plusieurs langues de travail constitue le plus souvent l'atout majeur recherché par les cabinets de recrutement. Dès lors notre thème nous oblige à orienter la réflexion en répondant à une double interrogation :
1- D'abord, le Minefop peut-il contribuer à valoriser davantage le système Lmd par l'institution obligatoire de l'apprentissage des langues ?
2- Ensuite, le passage au système Lmd, tout en facilitant l'accès à l'emploi des diplômés de l'enseignement supérieur, peut-il être un projet à forte potentialité de main-d'œuvre ?

La maîtrise des langues comme exigence au système Lmd
Dans la suite de sa réflexion, le Pr. Paul Gérard Pougoue écrit : "c'est ensuite l'enseignement des langues étrangères. Dans notre contexte, l'idéal, pour répondre aux ambitions du système Lmd, serait que le grade M (Master) ne puisse être délivré qu'après la validation de l'aptitude à maîtriser outre l'anglais et le français, au moins une autre langue étrangère, notamment l'espagnol." Dans la lettre et l'esprit de cette affirmation, parler couramment l'anglais et le français devient une "exigence forte" de professionnalisation et de compétitivité. L'anglais étant par ailleurs la première langue des affaires dans le monde, "répondre aux ambitions du système Lmd" oblige les diplômés de l'enseignement supérieur à parler et à écrire couramment le français et l'anglais pour être compétitifs sur le marché de l'emploi.
Cette évidence pose cependant un problème crucial : qui doit organiser les cours de langues anglaise et française et valider l'aptitude à les parler couramment ?
En Europe occidentale et en Amérique du Nord, cette mission échoit aux écoles de langues. Deux raisons expliquent d'ailleurs ce choix.
D'abord, les programmes de formations étant très surchargés dans les universités, l'Etat a jugé opportun de confier l'enseignement des langues à des écoles privées placées sous l'autorité de l'équivalent de notre ministère de l'Emploi et de la formation professionnelle.
Ensuite, pour des besoins de promotion de l'emploi, l'Etat a préféré confier cette mission aux structures privées.
Nous avons mené un sondage dans les universités publiques et privées de Yaoundé auprès d'un échantillon de 100 étudiants et enseignants. La question suivante leur a été posée : "vous êtes un directeur de ressources humaines qui a besoin pour son entreprise de deux cadres de grade master. En dehors des aptitudes techniques requises pour les postes, les candidats doivent par ailleurs avoir le profil suivant : maîtriser parfaitement l'anglais et le français. Deux types de postulants se présentent : ceux qui ont eu leur Master et un diplôme de langue de 4e degré et ceux qui ont eu leur Master tout en ayant validé les unités de valeur de langues y afférentes. A la question de savoir qui recruteriez-vous, 97% ont préféré recruter le cadre nantis d'un Master et d'un diplôme de langue". La conclusion s'impose d'elle-même.
Si la formule ci-dessus venait à être adoptée au Cameroun, comment le Minefop devrait-il s'y prendre pour que la maîtrise de nos deux langues officielles par les futurs diplômés de l'enseignement supérieur (Lmd) soit une réalité ? La sagesse voudrait que le Minefop s'approprie une partie des réformes structurelles en cours d'expérimentation dans certaines universités du Cameroun (à l'exemple de l'Université de Yaoundé II à Soa), pour accompagner "le passage au système Lmd" en organisant rationnellement les écoles de langues, en créant et en valorisant les diplômes de langues qui y seront délivrés.

Organisation rationnelle des écoles de langues
Pour une meilleure organisation des écoles de langues, le Minefop se doit :
• De définir clairement les conditions d'octroi des agréments aux promoteurs des écoles de langues
• D'interdire aux promoteurs des écoles de langues d'utiliser les services des professeurs vacataires après trois (03) ans d'existence
• De créer un cadre de concertation et de facilitation avec son homologue de l'enseignement supérieur pour permettre aux promoteurs des écoles de langues de recruter et de faire former à l'Ecole normale supérieure sur simple demande, leur personnel enseignant
• De fixer les conditions minima de recrutement d'un professeur de langues
• D'engager des concertations avec son homologue du Travail et de la Sécurité Sociale, pour poser les bases d'une convention collective des professeurs des écoles de langues. Ladite convention collective doit systématiquement obliger le promoteur de l'école à inscrire ses enseignants dans les délais légaux à la Cnps
• De mettre sur pied une commission spéciale chargée du contrôle des versements réguliers des cotisations pensions de ces enseignants à la Cnps
• De prévoir des subventions à ces écoles de langues pour leur permettre d'équiper leurs bibliothèques, d'avoir un cadre de travail à la dimension des ambitions affichées
• De fixer le nombre d'étudiants par salle à quarante (40)
• De circonscrire les frais de cours entre quatre-vingt mille (80 000) et cent milles (100 000) francs Cfa, manuels non compris
• De Fixer la fréquence des cours à 2 ou 3 heures par jour et ce de lundi à vendredi, soit 10 à 15 heures de cours de langue par semaine
C'est dans ce climat de transparence absolue que les professeurs de langues doivent remplir leur mission qui est celle d'accompagner le "système LMD" dans sa plénitude.

Les conditions pour faire acte de candidature
1/. Au grade de licence (L)
• Avoir fait deux niveaux intensifs ou super intensifs de cours d'anglais pour les francophones et de français pour les anglophones
• Produire une copie certifiée conforme du diplôme de langue Niveau I délivré par le Minefop
• Produire une copie certifiée conforme du diplôme de langue Niveau II délivré par le Minefop

2/. Au grade de Master (M)
En plus des conditions prévues au grade L,
• Avoir fait le troisième niveau intensif de cours d'anglais pour les francophones et de français pour les anglophones
• Avoir fait un niveau de Business English pour les francophones et un niveau du Français des Affaires pour les anglophones
• Produire une copie certifiée conforme du diplôme de langue Niveau III délivré par le Minefop (anglais ou français)
• Produire une copie certifiée conforme du diplôme de Business English ou Français des Affaires

3/. Au grade de Doctorat (D)
En plus des conditions des grades L et M, l'étudiant doit
• Avoir fait le quatrième niveau (d'anglais ou de français)
• Produire les copies certifiées conformes de tous ses diplômes de langues délivrés par le Minefop

Création et valorisation des diplômes de langues
Le Cameroun à travers le Minefop a le devoir de créer et de valoriser les diplômes de langues comme le Toefl 575 points aux USA et le diplôme d'études de langue française en France. Il est donc opportun pour "le passage au système Lmd" au Cameroun, d'étaler l'apprentissage des langues officielles sur sept années consécutives avec bien sûr une large ouverture sur le Business English pour les francophones et le Français des Affaires pour les anglophones.
Le but recherché est que le titulaire du grade (M) à l'issue de sa formation maîtrise parfaitement l'anglais et le français, mais soit familiarisé aux pratiques et règles de fonctionnement des entreprises et de leurs partenaires.
Cet arrimage de l'enseignement supérieur camerounais aux standards internationaux impose à nos étudiants plus de travail, plus de sens d'organisation méthodique de leurs emplois de temps et surtout beaucoup d'investissements financiers pour espérer faire des études supérieures de haute qualité. Car sans argent, il sera désormais difficile aux jeunes universitaires de postuler à des formations capables de leur ouvrir les portes de l'emploi. C'est peut-être à ce niveau que va s'opérer la sélection dont parlait le professeur Pougoue.

L'apprentissage du français par des étudiants anglophones
En première année de Licence
• L'étudiant s'inscrit au niveau élémentaire de français, sanctionné par le Diplôme d'études de langue française du 1er degré
- Nom du diplôme : Delaf 1er degré
- Crédit horaire total : 150 heures soit 10 semaines de cours de français
- Fréquence des cours : 3 heures par jour de lundi à vendredi, soit 15 heures par semaine
A la fin de la session, l'apprenant sera capable de :
- Commander au restaurant
- Comprendre les situations concrètes de la vie quotidienne
- Accomplir des démarches administratives
- Engager une conversation et y participer
• Ensuite le même étudiant s'inscrit au niveau intermédiaire [A] sanctionné par le Diplôme d'études de langue française du 2e degré
- Nom du diplôme : Delaf 2e degré
- Crédit horaire total : 200 heures soit 14 semaines de cours de français
- Fréquence des cours : 3 heures par jour de lundi à vendredi, soit 15 heures par semaine
A la fin de la session, l'apprenant sera capable de :
- Comprendre l'essentiel d'énoncés clairs traitant de la vie concrète en société (sport – travail – études – loisirs…)
- Se débrouiller lors d'un voyage
- Expliquer un projet, une idée
- parler de son travail et de ses loisirs
En deuxième année de Licence
L'étudiant s'inscrit au niveau intermédiaire [B] de français, sanctionné par le Diplôme d'études de langue française du 3e degré
- Nom du diplôme : Delaf 3e degré
- Crédit horaire total : 300 heures de cours de français
- Articulation en deux sous niveaux de 150 heures
- Fréquence des cours : 3 heures par jour de lundi à vendredi, soit 15 heures par semaine
- Durée : 20 semaines
* sous niveau [B1] : 150 heures soit 10 semaines
* sous niveau [B2] : 150 heures soit 10 semaines
A la fin de la session, l'apprenant sera capable de :
- Comprendre des textes complexes
- S'exprimer sur des sujets variés
- Donner des avis et argumenter
- Faire preuve de spontanéité
En troisième année de Licence
L'étudiant s'inscrit au niveau [C] de langue française, sanctionné par le Diplôme d'études de langue française du 4e degré
- Nom du diplôme : Delaf 4e degré
- Crédit horaire total : 300 heures de cours de français
- Articulation en deux sous niveaux de 150 heures chacun
- Fréquence des cours : 3 heures par jour de lundi à vendredi, soit 15 heures par semaine
- Durée : 20 semaines
* sous niveau [C1] : 150 heures soit 10 semaines
* sous niveau [C2] : 150 heures soit 10 semaines
A la fin de la session, l'apprenant sera capable d'utiliser le français pour :
- Communiquer de façon spontanée dans un contexte social ou professionnel donné
- S'exprimer aisément dans toutes les situations de la vie courante

En première année de Master
L'étudiant s'inscrit au Niveau [I] de Français des Affaires, sanctionné par le Diplôme de français des affaires du 1er degré
- Nom du diplôme : Difa 1er degré
- Crédit horaire total : 150 heures de cours de Français des Affaires
- Fréquence des cours : 3 heures par jour de lundi à vendredi, soit 15 heures par semaine
- Durée : 10 semaines
A la fin de la session, l'apprenant sera capable d'utiliser efficacement le français à l'oral comme à l'écrit, dans les principales situations de communication professionnelle.
En deuxième année de Master
L'étudiant prend une inscription au Niveau [II] de Français des Affaires, sanctionné par le Diplôme de Français des Affaires de 2e degré. Il convient de signaler à titre de rappel que l'étudiant doit avoir préalablement suivi les cours de Difa 1er degré
- Nom du diplôme : Difa 2e degré
- Crédit horaire total : 150 heures de cours de Français des Affaires du 2e degré
- Fréquence des cours : 3 heures par jour de lundi à vendredi, soit 15 heures par semaine
- Durée : 10 semaines
A la fin de la session, l'apprenant sera capable d'utiliser efficacement le français dans la plupart des situations sociales et professionnelles et singulièrement dans les situations de responsabilité.
Pour le grade D (Doctorat)
L'étudiant s'inscrit au niveau perfectionnement, sanctionné par un Diplôme approfondi de langue française.
- Nom du diplôme : Dialaf
- Crédit horaire total : 300 heures de cours
- Articulation :
* 1ère année : 150 heures de cours approfondis de français, soit 10 semaines
* 2ème année : 150 heures de cours approfondis de langue française.
A la fin de cette session, le titulaire du grade D est capable d'utiliser le français pour :
- Comprendre aisément tout type de document ;
- S'exprimer aisément ;
- Manier les subtilités de la langue française.

L'apprentissage de l'Anglais par des étudiants francophones
A quelques exceptions près, le développement ci-dessus est aussi valable pour les étudiants francophones. Ainsi, pour chaque niveau de langue, le Minefop crée et valorise un diplôme de langue. A titre d'exemple :
• En 1ère année de Licence :
Teafol 1: Test of english as foreign language
Level 1
• En 2ème année de licence :
Teafol 2: Test of english as foreign language
Level 2
• En 3ème année de Licence :
Teafol 3: Test of english as foreign language
Level 3
• En 1ère année de Master
Teobup 1: Test of english for business proposes
Level 1
• En 2ème année Master
Teobup 2: Test of english for business proposes
Level 2
• Pour le grade D
Proficiency
Teeic : Test of english in international communication.
La valorisation de ces différents diplômes passe par la définition des contenus des référentiels, l'organisation des tests d'évaluation harmonisés pour toutes les écoles de langues, où la transparence est la règle. Cela implique donc d'éviter des cas comme ceux relatifs à la tricherie et de nature à dévaluer les parchemins. Il appartiendra aux autorités compétentes de rendre ces diplômes compétitifs sur le plan international. Car à l'évidence, si les diplômés de l'enseignement supérieur de grade Lmd maîtrisent parfaitement les deux langues officielles, il est certain que le taux de placement de la main d'œuvre sur le marché de l'emploi sera élevé.

Le système Lmd, un projet à forte potentialité de main d'œuvre ?
Le professeur Paul Gérard Pougoue répond à cette question en écrivant ceci : "En 2007, alors que l'on pense à passer au système Lmd, les effectifs sont à nouveau pléthoriques". Cette surpopulation estudiantine démontre à suffisance que le Minefop doit agréer plus de 50 écoles de langues pour pouvoir absorber toute la demande d'apprentissage.
Les écoles de langue ayant beaucoup d'apprenants à former en anglais et en français, se trouveront dans l'heureuse obligation de recruter un personnel nombreux pour leur fonctionnement. En effet des estimations empiriques corroborent l'idée selon laquelle les universités publiques et privées charrient des effectifs des étudiants qui oscillent entre 40 000 et 45 000 par an.
Il est donc évident que le passage au système Lmd est un projet à forte potentialité de main d'œuvre et peut avoir une incidence à plusieurs niveaux.
• Le passage au système Lmd va favoriser la réalité du bilinguisme au Cameroun
• Grâce à cette réalité de son bilinguisme, le Cameroun va bénéficier sur le plan international d'un rayonnement certain
• Sur le plan économique, les promoteurs des écoles de langues auront un marché important fait d'étudiants à former à la fois en anglais et en français
• Cette création d'emploi consécutive au passage au système Lmd aura pour effet d'atténuer substantiellement le taux de chômage au Cameroun.


*Officier de l’armée de terre, diplômé de l’Office fédéral de langues de Cologne (Bundessprachenamt)
Tél : 94 69 44 21

Par Par le Capitaine Gabriel NOUMEYI*

http://www.lemessager.net/details_articles.php?code=142&code_art=25502

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